LIVRE IV
CHAPITRE I
LA LUTTE PHILOSOPHIQUE
La lutte philosophique prend, dans la seconde moitié du xviiie siècle, une intensité, une âpreté soudaines. Vers 1750, les espérances d’une restauration rationnelle de la société, qu’on avait cru toucher, se reculent indéfiniment ; à ce même moment entre en scène une nouvelle génération de penseurs impatients, audacieux, dévoués à ce qu’ils appellent la vérité, et prêts à renverser tout ce qui y fait obstacle : l’art, l’éloquence, la littérature ne sont pour eux que des instruments de propagande. Ils vont faire de la philosophie la matière de tous les livres, la préoccupation de tous les esprits. Diderot, Rousseau, Condillac, Buffon paraissent ; Voltaire, un Voltaire épanoui et libéré, revient de Prusse. Tous, directement ou indirectement, par de violentes attaques ou de sereines spéculations, concourent à jeter l’ancien édifice à bas.
La défense est faible : on peut trouver aux philosophes bien des faiblesses, et leurs personnes comme leurs doctrines sont loin