Cet article est capital. Les premiers mots nous découvrent toute la distance qui sépare les idées cartésiennes et cornéliennes de nos idées : la volonté, pour nous, est une chimère peut-être, sûrement une exception ; pour Descartes, pour Corneille, c’est l’absence de volonté consciente et raisonnable, c’est l’impulsion pure qui est l’exception. « Il y a fort peu d’hommes si faibles ; et irrésolus, qu’ils ne veuillent rien que ce que leur passion leur dicte. » Et voilà pourquoi ces âmes faibles, tiraillées et méprisables, sont l’exception dans l’œuvre de Corneille pour être dans la vérité, il nous décrit surtout des âmes fortes qui suivent avec constance des jugements clairs. Il se peut que ces âmes fortes soient passionnées aussi, mais elles raisonnent leur passion, elles en déterminent l’objet comme absolument bon et désirable et ainsi à l’impulsion elles substituent des jugements, des maximes nettes et réfléchies, qui seront désormais les vrais principes de leur action. C’est une des originalités de Corneille que cette résolution de la passion en volonté et l’on voit qu’ici encore Descartes l’approuve. L’exemple le plus remarquable qu’on en puisse citer, se tire de la tragédie d’Horace : Camille, une amoureuse frénétique, Horace, un frénétique patriote, sont des âmes de même trempe qui toutes les deux adhèrent de toute leur volonté aux objets de leurs passions. De là les formes raisonneuses de leurs plus brutales fureurs : de là ce curieux mono-