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Page:Lanson - L’Art de la prose, 1909, 2e éd.djvu/268

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L’ART DE LA PROSE

beauté des mots pittoresques assemblés, à la fin d’un paragraphe, dans cette simple ligne que j’ai citée :

« Trois pierres brutes, sous un ciel pluvieux, au fond d’un golfe plein d’îlots. »

C’est un effet rythmique, qui, dans le morceau de Flaubert, que j’ai cité au commencement de ces études, ferme le développement avec une vigueur prodigieuse. « Ainsi se tenait — devant ces bourgeois épanouis — ce demi-siècle de servitude. » Une brève mesure, suivie de deux groupes antithétiques, contenant deux images l’une matérielle, l’autre morale, et qui s’équilibrent exactement : c’est une cadence courte et nerveuse.

Otez la caresse musicale de la phrase, dans la Prière sur l’Acropole ; que ne perdraient pas les fines colorations du style ? Le sentiment même, subtilement inclus à cette musique, ne s’évaporerait-il pas avec elle ?

« Je suis né, déesse aux yeux bleus, de parents barbares, chez les Cimmériens, bons et vertueux, qui habitent au bord d’une mer sombre, hérissée de rochers, toujours battue par les orages. On y connaît à peine le soleil, les fleurs sont les mousses marines, les algues et les coquillages coloriés qu’on trouve au fond des baies solitaires. Les nuages y paraissent sans couleur, et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d’eau froide y sortent du rocher, et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d’herbes ondulées, se mire le ciel. »

Dans ces proses merveilleuses, l’élément le plus personnel est fait de cette harmonie.

Les précédés pittoresques ou intensifs sont, en quel-