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MÉLANGES LANSON.

elle le jouera, croyons-nous, de moins en moins, car la France a dé moins en moins besoin d’intermédiaires entre elle et l’Europe. Sous ce rapport, nous sommes dépassés. En outre, à examiner de près les choses, nous avons subi L’influence allemande beaucoup moins fortement qu’on ne se le figure en général. Nous l’avons subie surtout au xix e siècle par le protestantisme, par la philosophie, par les méthodes d’enseignement. D’ailleurs, il faut distinguer très nettement l’influence de la Suisse allemande, — nous dirions l’influence alémannique, — et l’influence de l’Allemagne, — l’influence germanique. La première est normale, constante, nécessaire : Haller, Gessner, Jean de Mùller, Jérémie Gotthelf, Pestalozzi, d’autres encore, — ont fait école en Suisse française, ont en Suisse française, trouvé des traducteurs, des imitateurs, des disciples ; et c’est la Suisse française elle-même qui a le plus contribué à les révéler à la France.

Nos relations avec l’Angleterre datent de la Réforme l. A la Réforme, l’influence anglaise a commencé de s’exercer à Genève en même temps qu’à Zurich et à Baie. Il y eut de nombreux élèves et professeurs anglais aux académies de Zwingli et de Calvin ; Calvin lui-même entretenait des ambassadeurs et des émissaires dans la grande île. Les relations furent donc religieuses d’abord, puis, dès le xviie siècle, commerciales et politiques, enfin, dès le xviiie siècle, scientifiques et littéraires. Au xviie siècle, alors que les relations religieuses étaient devenues moins fréquentes, l’influence anglaise continua de pénétrer en Suisse par l’intermédiaire des capitulations militaires, par l’intermédiaire des marchands et des commerçants, par l’intermédiaire enfin de la Hollande. Plus tard, les réfugiés français jouèrent aussi leur rôle. Mais déjà Lesage de la Colombière avait écrit son petit livre, déjà Jean-Alphonse Turrettini avait importé d’Angleterre, à l’académie de Calvin, de nouvelles méthodes, un esprit nouveau. Béat de Murait fut un des premiers à révéler l’Angleterre à la France, et cependant il se proposait uniquement, avec beaucoup d’autres patriotes, d’opposer en Suisse à l’influence française l’influence anglaise". Celle-ci, à Genève, sous la domination napoléonienne, servit aux vieux Genevois d’appui dans leur résistance nationale : qu’on se rappelle la fondation de la Bibliothèque britannique 3. Si la Suisse romande est géographiquement intermédiaire entre l’Allemagne et la France, elle l’est aussi entre la France et l’Italie. De tout temps, d’ailleurs, les Suisses ont été attirés par l’Italie sur laquelle s’ouvrent comme des portes les grands passages alpestres : les « des-

1. Cf. notre Hist. litt., t. II, chap. v : La Suisse el l’influence anglaise. 2. Les Lettres sur les Anglais, les Français et les Voyages sont de 1725 (réédit. moderne, mais amputée de la Lettre sur les voyages, par M. E. Ritter, Berne et Paris, 1897). 3. Fondée en 1796, au moment où la Révolution française devint menaçante pour Genève et la Suisse.