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VOLTAIRE.

guerres de Louis XIV, etc. : c’est un exercice incessant de la raison qui a besoin de voir clair en tout. Tout fait s’accompagne de la note qui l’éclaire et le classe.

Augustin Thierry, historien romantique, condamne cette méthode[1]. Elle enchantait le lecteur européen du xviiie siècle qui avant tout voulait comprendre.

Ce n’est pas que Voltaire n’ait pas de couleur, ne fasse pas voir. Il aime le détail particulier, le chiffre précis, le petit fait qui peint. Créqui, à Trêves, devant sa garnison soulevée et qui veut capituler, s’enfuit « dans une église ». Marsin, au siège de Turin, dans le conseil de guerre, « tire de sa poche » la lettre du roi. La Vallière échange la cour — il ne dit pas pour le couvent — mais pour « le cilice, pieds nus, jeûner, la nuit au chœur, chanter en latin ». Voici le courtisan du grand roi :

On portait alors des casaques par-dessus un pourpoint orné de rubans, et sur cette casaque passait un baudrier auquel pendait l’épée. On avait une espèce de rabat à dentelles, et un chapeau orné de deux rangs de plumes[2].

Voltaire a senti la pompe théâtrale du règne, dans les fêtes, les carrousels, la maison du roi, le voyage en Flandre. Il l’a rendue selon le goût de son temps, comme Coypel, non pas comme van der Meulen. Cependant il est vrai qu’il se refuse de la couleur. Il sait que Colbert avait « les sourcils épais et joints, la physionomie rude et basse, l’abord glanant », mais

  1. Lettre V sur l’Hist. de France.
  2. Chap. xxv.