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LA PHILOSOPHIE DE FERNEY.

Voltaire avait fait rire l’Europe aux dépens de Larcher : l’abbé Guénée donna une fois aux personnes pieuses la consolation de rire aux dépens de Voltaire, dans ses Lettres de quelques Juifs de Lisbonne. Moins érudit que Larcher, mais assez instruit pour recueillir toutes les bévues de Voltaire, il avait de l’esprit, de la légèreté, du mordant ; Voltaire le trouvait « malin comme un singe », et se défendit mal.

Guénée n’a pas entendu la polémique autrement que Larcher. Il triomphe sur les minuties de l’érudition. Mais c’est un avocat plus qu’un philologue. Il nie les contradictions les plus évidentes de la Bible. Il donne autorité, selon le besoin de sa thèse, à la Vulgate, ou au texte hébreu. Pour défendre le récit du Veau d’or, il fait de Moïse un chimiste étonnant qui avait le secret de l’or potable. Il s’obstine dans la thèse la plus insoutenable sur l’authenticité du Pentateuque. Il émet avec une immoralité candide les plus atroces propositions pour légitimer les massacres bibliques.

Ni Larcher ni Guénée n’ont de vues d’ensemble ni de méthode générale. Ils escarmouchent sur le détail. Ils sont muets ou inintelligents sur les grandes questions qu’agite Voltaire : Qu’est-ce que la Bible ? Comment s’est-elle formée ? Composition et date des livres qui la constituent ? Valeur relative et autorité des rédactions en diverses langues ? Ils ne veulent rien connaître de ces questions, qui seront celles de la science du xixe siècle ; et Voltaire, avec son assurance brouillonne, est moins éloigné de Harnack ou de

    n’ont jamais de remords des choses qu’ils sont dans l’usage de faire. » Cf. aussi XXIII, 440.