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L’INFLUENCE DE VOLTAIRE.

rien a un renouveau inattendu par un grand artiste, Anatole France, et par un certain nombre d’écrivains plus jeunes qui, entre le naturalisme, le lyrisme et le symbolisme, tâchent de conserver l’expression légère, spirituelle, mordante, un peu sèche et très claire ; je nommerai Veber, Hermant et Beaunier.

Mais où l’influence de Voltaire a été immense, évidente et continue, c’est sur le pamphlet et le journalisme, sur toutes les formes de la polémique. Il a été le maître de l’ironie agressive et du ridicule meurtrier. Il a enseigné les tours malins, les fictions imprévues, les transpositions facétieuses qui forcent l’inattention du public ; il a montré comment une question considérable se désosse, se simplifie, se réduit à quelques vérités de bon sens, comment les thèses des adversaires se traduisent en propositions absurdes qu’on n’a pas besoin de réfuter, comment on se répète sans lasser pour faire entrer l’idée dans la tête du lecteur en se répétant, par l’inépuisable renouvellement des formes piquantes et des symboles drôles qui la manifestent. Il a été un grand artiste dans des écrits d’où la note d’art, à l’ordinaire, était absente, et c’est de lui que procèdent les polémistes du xixe siècle qui ont relevé l’actualité par l’invention artistique. Il a formé Paul-Louis Courier sous la Restauration, Tillier sous Louis-Philippe ; Prévost-Paradol l’a étudié, et sans doute aussi Henri Rochefort. About et Sarcey, dans leur XIXe Siècle, sous la troisième République, sont aussi voltairiens de style que d’esprit. Et lorsque Anatole France, en ces dernières années, a passé du pur roman à la satire sociale et politique, il a encore