Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
VOLTAIRE À CIREY.
répondre que par une éloquence vague aux objections contre la liberté[1].

En réalité, il a moins changé d’avis qu’il ne pensait : il a surtout osé se mettre d’accord avec lui-même.

Il fallait bien à la fin, en venir à la morale : mais Voltaire ne construit pas une métaphysique des mœurs ; il esquisse une morale tout expérimentale et positive. Il n’y a ni bien ni mal absolus, ni idées morales innées. La vertu est ; 1o l’obéissance aux lois ; 2o la conformité de nos actions au bien général ; 3o la conformité de nos actions à certains sentiments naturels qui résultent chez tous les hommes de la communauté d’organisation et des conditions générales d’existence[2]. Parmi les sentiments naturels à tous les hommes, ceux-là sont vertueux, selon la classification de Shaftesbury, qui tendent au bien de la société.

Mais comment la vertu peut-elle être l’obéissance aux lois ? Si c’est vrai, le Procureur général était vertueux en faisant brûler les Lettres anglaises. Le magistrat qui fait appliquer les lois est plus vertueux que l’écrivain qui imprime malgré les lois des pensées contraires aux lois. Voltaire entend que l’obéissance aux lois est le ciment de la société, donc un sentiment utile, donc, en soi, vertueux ; que, dans l’opinion des hommes, le citoyen qui vit conformément aux lois de son pays, est réputé vertueux. Cela n’empêche ni n’interdit l’effort pour amener les lois imparfaites à réaliser plus exactement les senti-

  1. XXII, 416.
  2. XXII, 224-226.