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Page:Laperche - Eve victorieuse.djvu/13

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de ce sanctuaire, n’eût pas manqué, d’abord, de se croire chez une grande demi-mondaine parisienne ; mais, pour peu qu’il eût été doué de ce sixième sens qui pénètre les gens et les choses à la manière des rayons Rœntgen, il eût vite reconnu, malgré cette recherche et ce raffinement suspects, l’atmosphère saine de la femme honnête. Et madame Ronald était bien la figure qu’un coloriste eût placée dans ce cadre ultra-moderne. Il fallait là son corps élégant, toujours délicieusement déshabillé ou habillé, ses cheveux chatoyants, nuancés de divers tons d’or, sa blancheur mate, ses grands yeux bruns qui promenaient autour d’elle une caresse inconsciente, ses belles lèvres bien dessinées, dont le sourire découvrait des dents parfaites. Il fallait là cette tête qui donnait une impression de « blondeur » et de lumière, ce visage de charmeuse ennobli par un air d’intelligence et de supériorité.

Un soir, vers la fin de mars, Hélène s’habillait pour l’Opéra. Vêtue d’une robe d’un jaune très doux, dont le décolleté laissait voir toute la perfection de ses épaules, elle était assise devant son miroir. Pendant qu’elle refrisait avec soin, elle-même, quelques mèches folles, une seconde figure se refléta dans la glace, celle d’un homme de haute taille, aux cheveux noirs, aux yeux bleus.

— Ah ! Henri ! — s’écria la jeune femme sans interrompre sa frisure ; — vous êtes en retard, il me semble.

— Oui, j’ai eu un après-midi très chargé. Les époux échangèrent une poignée de main et un regard affectueux, puis le nouveau venu se jeta dans un fauteuil à bascule, qui avait l’air d’être sa propriété, et qui se trouvait placé