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Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/102

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86 L'ÎLE INCONNUE.

— Nous le confessons.

— On lit davantage en Angleterre qu'en France, continuai-je.

— En vérité ?

— C'est un fait. Chez nous, dans nombre de maisons, le livre n'a pas même une tablette. Partout où vos compatriotes séjournent, il y a des bibliothèques. Paris ne possède pas une seule librairie circulante comme les vôtres ou comme celle de Vieusseux à Florence. A Wimbledon, je vois tous les jours la voiture de Mudie qui apporte et remporte des quantités de bouquins. Vous ne rencontreriez pas sa pareille dans notre banlieue. Oui, assurément, vous lisez davantage, mais votre nourriture littéraire est pitoyablement faible. Par exemple, vos romans ne sont encore que des « patent foods » (nourritures infantiles brevetées).

M. Baring rit avec une franche bonne humeur.

— Des « patent foods », c'est vrai, une nourriture d'enfant, mais propre et saine à laquelle les hommes blasés et fatigués reviennent toujours avec plaisir.

— Voilà qui explique peut-être ce goût pour les romans que j'ai remarqué chez la majorité des Anglais. Sur le pont des bateaux, en chemin de fer, il m'est arrivé de sourire en voyant de grands gaillards de six pieds, qui devaient être au plus épais de la bataille de la vie, plongés dans la lecture d'un volume de Tauchnitz, le pouce sous les doigts repliés, comme des bébés contents, et cette lecture amenait sur leur visage une douceur particulière.

— Vous voyez qu'elles ont du bon les « patent foods ».