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L'ILE INCONNUE.



rait-ce un vœu ? A la première bouffée d'air salin qui pénètre dans le wagon, je me précipite vers la por- tière pour voir l'aspect de la Manche. Hier, il n'était guère rassurant. De fait, la traversée a été plutôt désagréable. Le salon du nouveau bâtiment à tur- bine est bien aménagé, bien aéré. Les divans sont recouverts de cretonne, il y a des fleurs ici et là. La stewardess en coiffe blanche fait son pénible service avec beaucoup de dignité. Elle m'a avoué que, pen- dant une année entière, elle avait souffert du mal de mer et qu'il lui avait fallu des efforts surhumains pour ne pas le laisser voir. Comme je la plaignais de de- voir soigner les passagères, elle m'a répondu : « J'aime à soulager mes semblables, à leur faire du bien, je ne pourrais pas vivre pour moi seulement. » La voilà, la grâce d'état! Aussitôt qu'on met le pied sur le sol de l'Angle- terre, même sur le sol mouvant de ses paquebots, on a une impression de liberté et de discipline, de ces deux grandes choses qui font sa force. Quand le bateau stoppe, une équipe de porteurs en uniforme bleu foncé, bérets et vareuses portant le chiffre de la compagnie, arrive sur le pont. A un signal donné le carré de corde qui les tient en respect est enlevé et, avec un beau mouvement d'ensemble, ils se préci- pitent sur les bagages pour les porter au train déjà formé. Là un employé indique à haute voix : « Cha- ring Cross ! » « Victoria! » et vous savez exacte- ment dans quel wagon monter pour descendre à l'une ou à l'autre de ces gares. A Calais, j'avais laissé un brillant soleil de juin, une atmosphère claire, l'été enfin ! et voilà qu'à