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Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/587

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LOFTSHALL. 571

attaques, leurs ripostes, on percevait le courant profond de leur tendresse mutuelle. On sentait qu’ils étaient vraiment unis, « for better and for worse»... pour le meilleur et pour le pire.

 Tout à coup, je me pris à sourire. Je me rappelai 

mon rêve de quinzième année : un mari clergyman, idéalement beau, cela va sans dire, une paroisse très pauvre et six enfants ! La difficulté d’acheter six enfants avec une paroisse très pauvre me tracassait bien un peu, mais c’est égal, je les voyais ; ils étaient comme autant de poupées vivantes. Ce premier rêve, né des romans anglais que je lisais, est ressorti aujourd’hui tout frais, avec des figures très nettes. Je me suis renouvelée plusieurs fois, il est demeuré ineffacé dans un lobe de mon cerveau. Y a-t-il donc quelque chose qui ne se renouvelle pas comme les tissus de notre corps ?

 Je dois me féliciter, je crois, de ce que la 

Providence ne m’ait pas prise au mot. La femme d’un clergyman a une position très difficile. La meilleure est rarement populaire. Elle a beau nourrir, vêtir, soigner les pauvres de la paroisse, s’exposer à la contagion, elle ne fait jamais assez. Elle a dans son cercle même des ennemies intimes, toutes les femmes qui avaient secrètement jeté leur dévolu sur le « vicar » ou le « curate ». Elle perd son influence mondaine sans acquérir le prestige de la religieuse et demeure désarmée. Beaucoup, il est vrai, prennent une trop grande part d’autorité, dictent et édictent, sont dures, intransigeantes, plus royalistes que le roi et deviennent de véritables bêtes noires. Une femme bien née sait seule se mettre à