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Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/98

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82 l'île inconnue.

envie de chercher querelle aux passants mêmes. N'est-ce pas étrange ?

— Non. Cet agacement est provoqué par votre incapacité à comprendre les gens et les choses, une sensation intolérable à tout Britisher.

— Sommes-nous donc des animaux si vaniteux ? fit Rodney avec bonne humeur.

— L'hostilité de la plupart de vos compatriotes n'a pas d'autre raison. Maintes fois, je les ai entendus appeler le français « une sale langue », parce qu'ils ne pouvaient pas le comprendre.

Le jeune homme rougit.

— Vous avez peut-être deviné... Et puis, il y a encore la différence d'éducation. Ainsi, la familiarité des garçons de restaurant, l'air narquois des cochers m'irritent déraisonnablement. Je me sens tout le temps comme un homme bousculé et qui ne pourrait se fâcher. Comprenez-vous?

— Parfaitement. Vous trouvez que les lignes de démarcation ne sont pas assez larges chez nous, hein?

— C'est vrai, on ne sait pas où on en est. En outre, à Paris, je me rends compte combien ma connaissance du français est limitée. Je ne l'appelle pas « une sale langue », mais je sors du théâtre toujours un peu agacé. Je suis furieux de n'avoir pu apprécier la saveur de la pièce que j'ai entendue.

— Eh bien, votre roi, lui, ne sortait pas mécontent du Vaudeville ou du Palais-Royal, je vous l'affirme. Il s'y amusait comme un vrai Parisien. Au jeu de sa physionomie, on devinait que les pensées élevées, les allusions drôles, la fine grossièreté (une