Page:Lapicque - Notice sur les titres et les travaux scientifiques, 1908.djvu/19

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quelle forme pratique peut revêtir un tel désir pour un enfant dans un coin de province? D'après les exemples que j'avais sous les yeux, je ne vis qu'un moyen de satisfaire mes goûts: me faire médecin. Venu à Paris pour suivre l'enseignement médical, je n'ai pas tardé à chercher quelque chose en dehors; j'ai été rôder au Muséum, puis à la Faculté des Sciences, et là, je suis devenu l'élève d'Henri de Lacaze-Duthiers. Ce maître éminent me fit l'honneur de me remarquer; et quand j'eus passé ma licence, il m'offrit de rester dans son laboratoire, me promettant une carrière dans la zoologie telle qu'il la comprenait. Il n'aimait pas la technique physiologique, même la plus simple, et traitait irrévérencieusement de tournebroche le cylindre enregistreur. J'étais au contraire très attiré par ce que j'avais entrevu de cette technique. Je quittai Lacaze-Duthiers pour entrer dans un laboratoire de Physiologie. Mon choix, tout instinctif qu'il fût, ne m'égarait pas, il me semble. "L'avenir en Biologie est aux sciences expérimentales... à celles où l'on soumet des substances ou des êtres vivants aux agents physiques et chimiques." (1) Ainsi s'exprimait récemment un homme qui est au premier plan de la zoologie contemporaine, et ce n'est pas dans sa bouche une formule vaine. Pour quelques-uns, de telles études ne sont plus de la zoologie; je ne chercherai pas une querelle de mot à ceux qui veulent garder aux étiquettes primitives le sens étroit des sciences à leurs débuts. Mais faisant de la zoologie sous sa forme nouvelle, étais-je obligé de renoncer à l'ancienne? Il est bien vrai qu'on peut faire de la physiologie animale sans connaître les animaux, étudier la vie en faisant abstraction des innombrables formes vivantes. C'est même la physiologie la plus élevée, puisque la plus générale; et toute étude physiologique un peu poussée va dans ce sens, vers "la chimie et la physique de la vie", comme disait récemment M. Dastre, en faisant remarquer lui-même que l'expression est "un peu étroite" pour une définition de la physiologie. J'ai pour ma part travaillé à réduire ainsi l'organique à l'inorganique, et, de ce travail, j'ai tiré de profondes jouissances. Mais à côté, j'ai gardé le goût, le besoin même, des formes