Page:Lapicque - Notice sur les titres et les travaux scientifiques, 1908.djvu/25

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ces noirs apparaissent comme une population plus ancienne que tout ce qui l'entoure. Admettant que toutes ces indications se rapportent à des Négritos, on arrive à considérer cette race comme une portion jadis importante de l'humanité, ayant couvert une région étendue.

En 1892, sur les conseils de M. Marcel Dieulafoy, j'ai entrepris de contrôler directement et de relier entre elles, si possible, les observations assez disparates que l'on possédait sur la question Négrito. Les moyens matériels étaient assurés dans des conditions exceptionnelles par la générosité de Mme Jules Lebaudy, qui prêtait pour cette recherche un yacht à vapeur de 500 tonnes, la Sémiramis, et prenait tous les frais à sa charge (1). La Sémiramis quitta la France à la fin de novembre 1892, se dirigeant sur le golfe persique ; mais les vents violents qui règnent en hiver dans le sud de la Mer rouge arrêtèrent le capitaine; il relâcha à Massouah jusqu'au changement de mousson; pendant les deux mois de cette relâche, j'étudiai l'anthropologie physique des Abyssins (voir plus loin) et leur régime alimentaire (voir Chapitre IV). Quand je pus repartir, étant donnée la saison, je fis faire cap directement sur les îles Andaman, pour y prendre connaissance personnelle du Négrito dans son échantillon le plus typique et le plus pur. Je passai trois semaines dans l'archipel, dont je visitai une grande partie avec un inspecteur anglais en tournée; j'examinai successivement les diverses tribus entre lesquelles se partage la petite population andamanaise.

(1) Le yacht avait été armé, sous le commandement du capitaine Viel, pour procurer un voyage instructif à Max Lebaudy, que je devais accompagner et tâcher d'intéresser à la science. Nous attendions ce jeune homme depuis deux mois à Port-Vendres, quand il renonça définitivement au voyage. Mme Jules Lebaudy, sa mère, envoya alors au capitaine l'ordre de partir immédiatement en considérant comme seul but de la croisière la recherche scientifique. Dans ces conditions, je regrettai vivement d'être le seul naturaliste à profiter de cette croisière, dont on aurait pu rapporter une riche moisson de documents dans les différentes branches de l'histoire naturelle; mais étant seul, je jugeai que le mieux était de concentrer mes forces sur un programme limité. Le champ Négrito était encore trop vaste en dehors de la Péninsule Malaise, d'un intérêt capital, je me suis efforcé de décider le capitaine à me conduire dans les contrées où l'on va difficilement par les paquebots.