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  • Les tribus des monts d'Anémalé

Je m'étais proposé, suivant la même méthode que dans la Péninsule Malaise, de rechercher la tribu la plus négroïde et la plus primitive. Les gisements les plus remarquables des petits noirs de l'Inde ont été signalés dans les deux massifs de montagne qui forment les points culminants de la Péninsule et se disposent symétriquement au nord et au sud de la passe de Palghat. Après examen des documents que M. Thurston me communiqua obligeamment à Madras, je fis choix pour commencer de la tribu des Kader, dans les monts d'Anémalé, du massif sud. C'est la seule, probablement dans toute l'Inde, qui vive d'une vie purement sauvage, en pleine jungle, sans aucune culture ni défrichement. Sur place, après avoir passé plus de vingt jours en deux campements, et observé un nombre relativement considérable de Kader (plus d'une centaine), je dus reconnaître que, s'ils présentent certains types de figure très négritiques, il y a là un mélange de races manifeste; d'ailleurs, contrairement à leurs traditions et à l'opinion acceptée par mes prédécesseurs, leur ethnographie me parait indiquer qu'ils sont des réfugiés de la plaine ayant rétrogradé comme état social; et leur langage, quoi qu'on en ait dit, diffère très peu du tamoul. Ils sont tous dolichocéphales (moyenne de 32 mâles adultes, 73,3; indices individuels extrêmes, 69 et 77), et petits (moyenne de la taille des mêmes, 156 centimètres; taille maxima, 166), chiffres voisins de ceux donnés par Thurston sur une série moins nombreuse. Mais la répartition des cas individuels est loin de présenter une courbe de fréquence régulièrement décroissante autour de la moyenne. Dès lors, il était impossible de prendre une telle tribu pour type de la race noire primitive. Je cherchai vainement un témoin resté plus pur plus avant dans la montagne.

Les Kader vivent entre 600 et 1000 mètres d'altitude; à 1200 mètres, dans une vallée d'accès difficile de toute part, j'ai visité une tribu de Moudower, caste peu ou point connue des anthropologistes. Les Moudower sont à un état social beaucoup plus avancé que le Kader; ils ont des cultures régulières, du bétail et ils ont des serfs, qu'ils appellent Poulayer et qu'ils considèrent comme impurs. Ils affirment, avec des détails d'une précision probablement légendaire, que leurs ancêtres sont venus de la plaine à la suite d'une guerre. Leur langue est tamoulique. Quelques Moudower se rapprochent du type nègre, d'autres s'en éloignent beaucoup. Par contre, leurs serfs forment un ensemble bien plus uniformément