Page:Lapicque - Notice sur les titres et les travaux scientifiques, 1908.djvu/45

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Sénégalais (Ouolofs, Toucouleurs, etc.) mesurés dans des exhibitions en Europe. Cette série, peu importante par elle-même, m'a été fort utile comme contrôle, en m'assurant des mesures de la même main que sur les Nègres asiatiques.

Le point de départ de la notion de Nègre est le Nègre africain, clairement perçu dès l'antiquité, et caractérisé, outre sa couleur, par sa chevelure crépue et des traits du visage particuliers, dont le plus important est le nez camard. A cette notion superficielle correspondent entièrement les Mélanésiens et les Négritos. Les Dravidiens et les Éthiopiens s'en écartent; ils ont (moins qu'on ne l'a dit) les traits du visage des Blancs, notamment le nez fin et saillant. Ils ont été le plus souvent, par les classificateurs, rapprochés des Blancs; d'autres fois, mis dans un groupe intermédiaire, mais autonome, avec les Australiens.

  • 1) J'ai montré que les Dravidiens actuels sont une race mixte, avec un ancêtre vraiment nègre, crépu et camard, aussi bien que noir; dans l'état actuel, on observe des individus très près du Blanc ou très près du Nègre, ou à n'importe quel degré de l'échelle intermédiaire: En Abyssinie et sur les bords de la mer Rouge (1), j'ai observé une gradation tout à fait analogue; ici il est facile de retrouver les deux éléments extrêmes du mélange dans les Sémites qui sont à l'Est et les Nègres qui sont à l'Ouest. Ces prétendues races noires non nègres sont donc, en réalité, des races mixtes dont un des éléments est purement et simplement nègre. Je pense qu'il en est de même pour les Australiens; je les connais seulement par des photographies et des pièces ostéologiques; mais ces documents montrent une grande analogie avec les faits précédents.
  • 2) Toutes les populations noires sont localisées sur le pourtour de l'Océan indien ; ailleurs dans le monde (abstraction faite des Nègres d'Amérique qui sont d'origine africaine) il n'y a point de Nègres, il n'y a point de Noirs. Dans l'Inde, il est facile de reconnaître que l'élément nègre était sinon l'autochtone, du moins le premier occupant. Dans la Malaisie, les Négritos se présentent comme les témoins d'une population plus ancienne que toutes celles qui les entourent. Entre les Nègres d'Afrique et les Nègres d'Océanie, les Nègres d'Asie jalonnent ainsi une communication interrompue par des migrations blanches et jaunes, et l'on est amené à reconstituer, pour l'ensemble des Nègres, un habitat primitif unique et continu.
  • 3) Il n'est pas étonnant que dans une aire aussi étendue une race ne reste pas d'un bout à l'autre identique à elle-même. Les différences observées sont d'ailleurs assez faibles. Les Papous et les Mélanésiens sont manifestement infiltrés d'éléments étrangers; la forme du nez et l'allure de la chevelure, souvent diverses dans un même village, paraissent ne s'écarter du type nègre général que sous l'influence du métissage. La divergence la plus profonde est la brachycéphalie relative des Négritos (leur petite taille a beaucoup moins de signification spécifique). Mais si l'indice céphalique est un caractère héréditaire stable, sa valeur comme base de classification est plus ou moins conventionnelle. Les Nègres africains ne sont pas tous dolichocéphales; d'ailleurs, entre la sous-brachycéphalie des Andamanais et la dolichocéphalie des autres Nègres, les Parias, sous-dolichocéphales, empêchent de tracer une démarcation.

(1) J'ai fait une étude de cette race sur 53 mensurations complètes de sujets des deux sexes, mensurations prises dans le pays sur le vivant, et, en outre, sur les 37 crânes existant au Muséum, dont 29 rapportés par moi (ce dernier travail en collaboration avec le Dr Verneau). Cette étude est restée inédite pour les raisons que j'ai dites. M. Verneau en cite les résultats dans le tome II du Compte-rendu de la mission de Jean Duchesne-Fournet, Paris, 1908.