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Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 14.djvu/179

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voyons sur une table des caractères d’imprimerie disposés dans cet ordre, Constantinople, et nous jugeons que cet arrangement n’est pas l’effet du hasard, non parce qu’il est moins possible que les autres, puisque, si ce mot n’était employé dans aucune langue, cet arrangement ne serait ni plus ni moins possible en lui-même, et cependant nous ne lui soupçonnerions alors aucune cause particulière ; mais, ce mot étant en usage parmi nous, il est incomparablement plus probable qu’une personne aura ainsi disposé les caractères précédents qu’il ne l’est que cet arrangement est dû au hasard.

De là nous devons généralement conclure que, plus un fait est extraordinaire, plus il a besoin d’être appuyé de fortes preuves ; car, ceux qui l’attestent pouvant ou tromper (ui avoir été trompés, ces deux causes sont d’autant plus probables que la réalité du fait l’est moins en elle-même. Il y a des choses tellement extraordinaires que rien ne peut, aux yeux des hommes éclairés, en balancer l’invraisemblance. Mais celle-ci, par effet d’une opinion dominante, peut être affaiblie au point de paraître inférieure à la probabilité des témoignages ; et quand cette opinion vient à changer, un récit absurde, admis généralement dans le siècle qui lui a donné naissance, n’offre aux siècles suivants qu’une nouvelle preuve de la grande influence de l’opinion sur les meilleurs esprits.

Avant de prononcer sur l’existence d’une cause qui semble indiquée par les événements observés, il faut déterminer sa probabilité résultant de ces événements ; autrement, on s’exposerait à rapporter à une cause constante cette régularité qu’affectent quelquefois les événements dus au hasard, et qui ne se soutient plus quand ils sont très multipliés ; mais cette distinction exige une analyse toute particulière. En l’appliquant au rapport des naissances des garçons à celles des filles observé dans les diverses parties de l’Europe, on trouve que ce rapport, partout à peu près celui de à indique avec une extrême probabilité une plus grande facilité dans les naissances des garçons. Si l’on considère ensuite qu’il est le même à Naples qu’à Pétersbourg, on verra qu’à cet égard l’influence du climat est insensible. On pouvait donc