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Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 5.djvu/178

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MÉCANIQUE CÉLESTE.

l’équilibre et du mouvement des fluides. Je n’en parle ici que pour montrer jusqu’à quel point les meilleurs esprits s’abusent quelquefois sur leurs propres conceptions.

La théorie de Newton parut en 1687, dans son Ouvrage des Principes mathématiques de la philosophie naturelle. Ce grand géomètre, dans le Corollaire 19 de la Proposition 66 du premier Livre, conçoit un canal circulaire environnant la Terre et rempli d’un fluide qui, tournant avec elle, est attiré par un astre. Il observe que le mouvement de chaque molécule fluide doit être accéléré dans ses conjonctions et dans ses oppositions avec cet astre, et qu’il doit être retardé dans ses quadratures, en sorte que le fluide doit avoir un mouvement de flux et de reflux analogue à celui de la mer ; mais il ne donne ni la loi ni la mesure de ce mouvement. L’explication véritable de ce phénomène est renfermée dans les Propositions 26 et 27 du troisième Livre, où Newton détermine les forces du Soleil et de la Lune pour mouvoir les eaux de la mer. Il y considère la mer comme un fluide de même densité que la Terre, qu’il recouvre totalement, et qui prend à chaque instant la figure où il serait en équilibre sous l’action du Soleil. En supposant ensuite que cette figure est celle d’un ellipsoïde de révolution dont le grand axe est dirigé vers le Soleil, il détermine le rapport des deux axes par le même procédé qui lui avait donné le rapport des axes de la Terre aplatie par la force centrifuge de son mouvement de rotation. Le grand axe de l’ellipsoïde aqueux étant dirigé constamment vers le Soleil, la plus grande hauteur de la mer dans chaque port, quand le Soleil est à l’équateur, doit arriver à midi et à minuit ; le plus grand abaissement doit avoir lieu au lever et au coucher de cet astre. L’action de la Lune produit un ellipsoïde semblable, mais plus allongé, parce que l’action de cet astre est plus puissante. Le peu d’excentricité de ces ellipsoïdes permet de les concevoir superposés l’un à l’autre, en sorte que le rayon de la surface de la mer soit la somme des rayons correspondants de leurs surfaces, moins le rayon correspondant de la surface d’équilibre que la mer prendrait sans l’action des deux, astres.