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Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 5.djvu/374

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MÉCANIQUE CÉLESTE.

n’avait point affaibli son génie. M. Poisson a publié sur cet objet plusieurs savants Mémoires, où il a été conduit, sur le mouvement des corps solides, à des équations de la même forme que pour les points libres, ce qui établit l’analogie de ces mouvements.

Les recherches sur Jupiter et Saturne, dont j’ai parlé ci-dessus, laissaient encore inconnue la cause des grandes irrégularités que les observations anciennes et modernes indiquaient dans les mouvements de ces deux planètes. Halley avait conclu, de la comparaison des observations anciennes avec les modernes, un ralentissement dans le moyen mouvement de Saturne et une accélération dans celui de Jupiter. Lambert avait obtenu un résultat contraire en comparant les observations du dernier siècle avec celles de Tycho Brahe. Enfin Lalande trouvait les retours de Saturne à l’équinoxe du printemps plus prompts que ses retours à l’équinoxe d’automne, quoique les positions de Jupiter et de Saturne, soit entre eux, soit à l’égard de leurs aphélies, fussent à peu près les mêmes. Cela portait à croire que des causes étrangères avaient altéré les mouvements de ces deux planètes ; mais, en y réfléchissant, la marche de ces altérations me parut si bien d’accord avec ce qui devait résulter de leur action mutuelle que je ne balançai point à rejeter toute action extérieure au système planétaire.

C’est un résultat remarquable de l’action réciproque des planètes, que, si l’on n’a égard qu’aux inégalités dont les périodes sont très-longues, la somme des masses de chaque planète, divisées respectivement par les grands axes de leurs orbes considérés comme des ellipses variables, est à très-peu près constante. Nous avons dit précédemment que ces inégalités acquièrent par une double intégration, dans l’expression de la longitude, pour diviseur, le carré du très-petit coefficient du temps dans leur argument, ce qui peut les rendre considérables. De là il est facile de voir que la somme des produits des inégalités de ce genre qui résultent de l’action de Jupiter et de Saturne, multipliées respectivement par les masses de ces planètes, est nulle ; ainsi, quand en vertu de ces inégalités le mouvement de Saturne se ralentit par l’action de Jupiter, celui de Jupiter doit s’accélérer par l’action de