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Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 6.djvu/132

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pas naturel de penser que le mouvement de ce système autour de nous n’est semblablement qu’une apparence ?

Transportons-nous par la pensée à la surface du Soleil, et de là contemplons la Terre et les planètes. Tous ces corps nous paraîtront se mouvoir d’occident en orient, et déjà cette identité de direction est un indice du mouvement de la Terre ; mais ce qui le démontre avec évidence, c’est la loi qui existe entre les temps des révolutions des planètes et leur distance au Soleil. Elles circulent autour de lui avec d’autant plus de lenteur qu’elles en sont plus éloignées, de manière que les carrés des temps de leurs révolutions sont comme les cubes de leurs moyennes distances à cet astre. Suivant cette loi remarquable, la durée de la révolution de la Terre, supposée en mouvement autour du Soleil, doit être exactement celle de l’année sidérale. N’est-ce pas une preuve incontestable que la Terre se meut comme toutes les planètes, et qu’elle est assujettie aux mêmes lois ? D’ailleurs ne serait-il pas bizarre de supposer le globe terrestre, à peine sensible vu du Soleil, immobile au milieu des planètes en mouvement autour de cet astre qui, lui-même, serait emporté avec elles autour de la Terre ? La force qui, pour retenir les planètes dans leurs orbes respectifs autour du Soleil, balance leur force centrifuge ne doit-elle pas agir également sur la Terre, et ne faut-il pas que la Terre oppose à cette action la même force centrifuge ? Ainsi la considération des mouvements planétaires observés du Soleil ne laisse aucun doute sur le mouvement réel de la Terre. Mais l’observateur placé sur elle a, de plus, une preuve sensible de ce mouvement dans le phénomène de l’aberration, qui en est une suite nécessaire : c’est ce que nous allons développer.

Sur la fin du dernier siècle, Rœmer observa que les éclipses des satellites de Jupiter avancent vers les oppositions de cette planète et retardent vers ses conjonctions, ce qui lui fit soupçonner que la lumière ne se transmet pas dans le même instant de ces astres à la Terre, et qu’elle emploie un intervalle de temps sensible à parcourir le diamètre de l’orbe du Soleil. En effet, Jupiter, dans ses oppositions, étant plus près de nous que dans ses conjonctions d’une quantité égale à ce