Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bilités habituelles. Pour diminuer autant qu’il est possible cette cause (l’illusion, il faut appeler l’imagination et les sens au secours de la raison. Que l’on figure par des lignes les probabilités respectives, on sentira beaucoup mieux leur différence. Une ligne qui représenterait la probabilité du témoignage sur lequel un fait extraordinaire est appuyé, placée à côté de la ligne qui représenterait l’invraisemblance de ce fait, rendrait très sensible la probabilité de l’erreur du témoignage, comme un tableau, dans lequel les hauteurs des montagnes sont rapprochées, donne une idée frappante des rapports de ces hauteurs. Ce moyen peut être employé dans plusieurs cas avec succès. Pour rendre sensible l’immensité de l’univers, que l’on représente par une quantité presque imperceptible, par un dixième de millimètre, la plus grande étendue de la France en longueur : la distance du Soleil à la Terre sera de quatorze mètres ; celle de l’étoile la plus proche surpassera un million et demi de mètres, c’est-à-dire sept ou huit fois le rayon du plus grand horizon que l’œil puisse embrasser du point le plus élevé. On n’aura encore ainsi qu’une très faible image de la grandeur de l’univers qui s’étend infiniment au delà des plus brillantes étoiles, comme le prouve ce nombre prodigieux d’étoiles placées les unes au delà des autres et se dérobant à la vue dans la profondeur des cieux. Mais, toute faible qu’elle est, cette image suffit pour nous faire sentir l’absurdité des idées de prééminence de l’homme sur toute la nature, idées dont on a tiré de si étranges conséquences.

Nous établirons enfin, comme principe de Psychologie, l’exagération des probabilités par les passions. La chose que l’on craint ou que l’on désire vivement nous semble, par cela même, plus probable. Son image, fortement retracée dans le sensorium, affaiblit l’impression des probabilités contraires, et quelquefois les efface au point de faire croire la chose arrivée. La réflexion et le temps, en diminuant la vivacité de ces sentiments, rendent à l’esprit le calme nécessaire pour bien apprécier la probabilité des choses.

Les vibrations du sensorium doivent être, comme tous les mouvements, assujetties aux lois de la Dynamique, et cela est confirmé par