Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/640

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C’est tout ce que le négociant peut donner à la compagnie, sans désavantage moral ; il aura donc un avantage moral, en faisant un sacrifice moindre que cette valeur de et en même temps, la compagnie aura un bénéfice qui, comme on l’a vu, devient certain, quand ses relations sont très nombreuses. On voit par là comment des établissements de ce genre, bien conçus et sagement administrés, peuvent s’assurer un bénéfice réel, en procurant des avantages aux personnes qui traitent avec eux. C’est en général le but de tous les échanges ; mais ici, par une combinaison particulière, l’échange a lieu entre deux objets de même nature, dont l’un n’est que probable, tandis que l’autre est certain.

42. Le principe dont nous venons de faire usage pour calculer l’espérance morale a été proposé par Daniel Bernoulli, pour expliquer la différence entre le résultat du Calcul des Probabilités et l’indication du sens commun dans le problème suivant. Deux joueurs et jouent à croix et pile, avec la condition que paye à deux francs, si croix arrivé au premier coup ; quatre francs, s’il arrive au deuxième coup ; huit francs s’il arrive au troisième coup, et ainsi de suite jusqu’au ième coup. On demande ce que doit donner à en commençant le jeu.

Il est visible que l’avantage de relatif au premier coup, est un franc ; car il a de probabilité de gagner deux francs à ce coup. Son avantage relatif au deuxième coup est pareillement un franc ; car il a de probabilité de gagner quatre francs à ce coup, et ainsi de suite, en sorte que la somme de tous ses avantages relatifs aux coups est francs. Il doit donc, pour l’égalité mathématique du jeu, donner à cette somme qui devient infinie, si l’on suppose que le jeu continue à l’infini.

Cependant personne, à ce jeu, ne risquera avec prudence une somme même assez modique, telle que cent francs. Pour peu que l’on réfléchisse à cette espèce de contradiction entre le calcul, et ce qu’indique le sens commun, on voit facilement qu’elle tient à ce que, si l’on suppose, par exemple, ce qui donne pour la somme que peut espérer au cinquantième coup, cette somme immense ne produit point