Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/81

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On voit par là combien il faut être attentif aux indications de la nature, lorsqu’elles sont le résultat d’un grand nombre d’observations, quoique d’ailleurs elles soient inexplicables par les moyens connus. L’extrême difficulté des problèmes relatifs au Système du monde a forcé les géomètres de recourir à des approximations qui laissent toujours à craindre que les quantités négligées n’aient une influence sensible. Lorsqu’ils ont été avertis de cette influence par les observations, ils sont revenus sur leur analyse ; en la rectifiant, ils ont toujours retrouvé la cause des anomalies observées ; ils en ont déterminé les lois, et souvent ils ont devancé l’observation, en découvrant des inégalités qu’elle n’avait pas encore indiquées. Ainsi l’on peut dire que la nature elle-même a concouru à la perfection analytique des théories fondées sur le principe de la pesanteur universelle, et c’est, à mon sens, une des plus fortes preuves de la vérité de ce principe admirable.

L’un des phénomènes les plus remarquables du Système du monde est celui de tous les mouvements de rotation et de révolution des planètes et des satellites dans le sens de la rotation du Soleil et à peu près dans le plan de son équateur. Un phénomène aussi remarquable n’est point l’effet du hasard ; il indique une cause générale qui a déterminé tous ces mouvements. Pour avoir la probabilité avec laquelle cette cause est indiquée, nous observerons que le système planétaire, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est composé de onze planètes et de dix-huit satellites, du moins si l’on attribue, avec Herschel, six satellites à la planète Uranus. On a reconnu les mouvements de rotation du Soleil, de six planètes, de la Lune, des satellites de Jupiter, de l’anneau de Saturne et d’un de ses satellites. Ces mouvements forment, avec ceux de révolution, un ensemble de quarante-trois mouvements dirigés dans le même sens ; or on trouve, par l’Analyse des Probabilités, qu’il y a plus de quatre mille milliards à parier contre un que cette disposition n’est pas l’effet du hasard, ce qui forme une probabilité bien supérieure à celle des événements historiques sur lesquels on ne se permet aucun doute. Nous devons donc croire, au moins avec la même confiance, qu’une cause primitive a dirigé les mouvements pla-