Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/96

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la probabilité du mensonge croît à mesure que le fait devient plus extraordinaire.

Nous avons supposé jusqu’ici que le témoin ne se trompait point ; mais, si l’on admet encore la chance de son erreur, le fait extraordinaire devient plus invraisemblable. Alors, au lieu de deux hypothèses, on aura les quatre suivantes, savoir : celle du témoin ne trompant point et ne se trompant point ; celle du témoin ne trompant point et se trompant ; l’hypothèse du témoin trompant et ne se trompant point ; enfin celle du témoin trompant et se trompant. En déterminant a priori, dans chacune de ces hypothèses, la probabilité de l’événement observé, on trouve, par le sixième principe, la probabilité que le fait attesté est faux égale à une fraction dont le numérateur est le nombre des boules noires de l’urne, multiplié par la somme des probabilités que le témoin ne trompe point et se trompe, ou qu’il trompe et ne se trompe point, et dont le dénominateur est ce numérateur augmenté de la somme des probabilités que le témoin ne trompe point et ne se trompe point, ou qu’il trompe et se trompe à la fois. On voit par là que, si le nombre des boules noires de l’urne est très grand, ce qui rend extraordinaire la sortie de la boule blanche, la probabilité que le fait attesté n’est pas approche extrêmement de la certitude.

En étendant cette conséquence à tous les faits extraordinaires, il en résulte que la probabilité de l’erreur ou du mensonge du témoin devient d’autant plus grande que le fait attesté est plus extraordinaire. Quelques auteurs ont avancé le contraire, en se fondant sur ce que, la vue d’un fait extraordinaire étant parfaitement semblable à celle d’un fait ordinaire, les mêmes motifs doivent nous porter à croire également le témoin, quand il affirme l’un ou l’autre de ces faits. Le simple bon sens repousse une aussi étrange assertion ; mais le Calcul des Probabilités, en confirmant l’indication du sens commun, apprécie, de plus, l’invraisemblance des témoignages sur les faits extraordinaires.

On insiste et l’on suppose deux témoins également dignes de foi, dont le premier atteste qu’il a vu mort, il y a quinze jours, un individu que le second témoin affirme avoir vu hier plein de vie. L’un ou l’autre