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sur les probabilités.

de la décision diminue quand le nombre des juges s’accroît. Par exemple, dans les tribunaux qui ne peuvent condamner qu’à la pluralité des deux tiers des voix, la probabilité de l’erreur à craindre est à peu près un quart, si le nombre des juges est six : elle est au-dessous de , si ce nombre s’élève à douze. Ainsi, l’on ne doit se régler, ni sur le rapport arithmétique, ni sur le rapport géométrique, si l’on veut que la probabilité de l’erreur ne soit jamais au-dessus ni au-dessous d’une fraction déterminée.

Mais à quelle fraction doit-on se fixer ? c’est ici que l’arbitraire commence, et les tribunaux offrent à cet égard de grandes variétés. Dans les tribunaux spéciaux où cinq voix sur huit suffisent pour la condamnation de l’accusé, la probabilité de l’erreur à craindre sur la bonté du jugement est ou au-dessus de . La grandeur de cette fraction est effrayante ; mais ce qui doit rassurer un peu, est la considération que le plus souvent le juge qui absout un accusé ne le regarde pas comme innocent : il prononce seulement qu’il n’est pas atteint par des preuves suffisantes pour qu’il soit condamné. On est surtout rassuré par la pitié que la nature a mise dans le cœur de l’homme, et qui dispose l’esprit à voir difficilement un coupable dans l’accusé soumis