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essai philosophique

puisque si ce mot n’était employé dans aucune langue, nous ne lui soupçonnerions point de cause particulière ; mais ce mot étant en usage parmi nous, il est incomparablement plus probable qu’une personne aura disposé ainsi les caractères précédens, qu’il ne l’est que cet arrangement est dû au hasard.

C’est ici le lieu de définir le mot extraordinaire. Nous rangeons par la pensée, tous les évènemens possibles en diverses classes ; et nous regardons comme extraordinaires ceux des classes qui en comprennent un très petit nombre. Ainsi, au jeu de croix ou pile, l’arrivée de croix cent fois de suite nous paraît extraordinaire, parce que le nombre presque infini des combinaisons qui peuvent arriver en cent coups, étant partagé en séries régulières ou dans lesquelles nous voyons régner un ordre facile à saisir, et en séries irrégulières, celles-ci sont incomparablement plus nombreuses. La sortie d’une boule blanche, d’une urne qui, sur un million de boules, n’en contient qu’une seule de cette couleur, les autres étant noires, nous paraît encore extraordinaire, parce que nous ne formons que deux classes d’évènemens, relatives aux deux couleurs. Mais la sortie du no 475813, par exemple, d’une urne qui ren-