Page:Laplace - Exposition du système du monde, 2e ed, 1798.djvu/112

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L’aberration change les rapports apparens des phénomènes célestes, soit avec l’espace, soit avec la durée. Au moment où nous les voyons encore, ils ne sont déjà plus ; il y a vingt-cinq ou trente minutes, que les satellites de Jupiter ont cessé d’être éclipsés, quand nous appercevons la fin de leurs éclipses ; et les variations de la lumière des étoiles changeantes, précèdent de plusieurs années, les instans de leurs observations. Mais toutes ces causes d’illusion étant bien connues, nous pouvons toujours rapporter les phénomènes du système solaire, à leur vrai lieu et à leur véritable époque.

La considération des mouvemens célestes nous conduit donc à déplacer la terre, du centre du monde, où nous la supposions, trompés par les apparences et par le penchant qui porte l’homme à se regarder comme le principal objet de la nature. Le globe qu'il habite, est une planète en mouvement sur elle-même et autour du soleil. En l’envisageant sous cet aspect, tous les phénomènes s’expliquent de la manière la plus simple ; les loix des mouvemens célestes sont uniformes ; toutes les analogies sont observées. Ainsi que Jupiter, Saturne et Uranus, la terre est accompagnée d’un satellite ; elle tourne sur elle-même, comme Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, et probablement toutes les planètes ; elle emprunte comme elles, sa lumière du soleil, et se meut autour de lui, suivant la même direction et les mêmes loix. Enfin, la pensée du mouvement de la terre, réunit en sa faveur, la simplicité, l’analogie, et généralement tout ce qui caractérise le vrai système de la nature. Nous verrons en la suivant dans ses conséquences, les phénomènes célestes ramenés jusque dans leurs plus petits détails, à une seule loi dont ils sont les développemens nécessaires. Le mouvement de la terre acquerra ainsi, toute la certitude dont les vérités physiques sont susceptibles, et qui peut résulter, soit du grand nombre et de la variété des phénomènes expliqués, soit de la simplicité des loix dont on les fait dépendre. Aucune branche des connoissances naturelles, ne réunit à un plus haut degré, ces avantages, que la théorie du système du monde, fondée sur le mouvement de la terre.

Ce mouvement agrandit l’univers à nos yeux ; il nous donne pour mesurer les distances des corps célestes, une base immense,