Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/21

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nous a donné des savants et des sages, mais il a été réservé au sentiment de nous donner un dieu !

Enfin j’ai souffert, aimé, espéré tout ce que le peuple souffre, aime, espère. J’ai écrit avec ses préjugés, son amour et sa foi. Je le confesse avec ses colères, ses découragements, voire même ses rudesses, disons le mot, ses haines, qui ne sont pas toujours aussi sauvages que certaines personnes affectent de le croire. Si le peuple en masse était ce dont on l’accuse, demain la société aurait cessé d’être.

Quand le peuple descend dans la rue c’est que des bourgeois ont chargé les fusils.

J’ai écrit bien plus avec les conseils de l’instinct qu’avec les calculs toujours un peu froids de la raison. Équilibrer la sagesse et l’imagination, c’est le secret des maîtres. Cela ne s’acquiert pas en un jour, quand cela s’acquiert.

Né dans les derniers rangs du prolétariat, au plus bas de l’échelle, je dus m’exprimer, c’est vrai, souvent en vers empreints d’amertume dans la peinture des inégalités sociales, écrire plutôt en révolté qu’en moraliste ; cela devait être. La sagesse est toujours de soi un peu égoïste. Homme de lutte et d’action, j’ai combattu au premier rang dans la rue et dans le livre, pour mes rêves et ceux des autres. Si j’ai été parfois l’avocat mal inspiré d’une cause que mon cœur ne