Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/180

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exemple, que j’ai connu à tel lieu, tel soir. Je cherche les conséquences immédiates du plus petit événement, ce qui dérive logiquement, naturellement, inévitablement du caractère et de la situation de mes personnages. Je fais le travail d’un commissaire de police qui veut, sur un léger indice, découvrir les auteurs d’un crime mystérieux. Je rencontre cependant souvent beaucoup de difficultés. Parfois, il n’y a plus que deux fils à nouer, une conséquence des plus simples à déduire, et je n’en viens pas à bout, et je me fatigue et m’inquiète inutilement. Alors je cesse d’y penser, parce que je sais que c’est du temps perdu. Il se passe deux, trois, quatre jours. Un beau matin, à la fin, pendant que je déjeune et que je pense à autre chose, tout à coup les deux fils se nouent, la conséquence est trouvée, toutes les difficultés sont tranchées. Alors un flot de lumière coule sur tout le roman. Je vois tout, et tout est fait. Je reprends une sécurité, je suis sûr de mon affaire, il ne me reste plus à accomplir que la partie la plus agréable de mon travail. Et je m’y mets tranquillement, méthodiquement, montre en main. J’écris chaque jour un peu, trois pages d’impression, pas une ligne de plus, et le matin seulement. J’écris presque sans ratures, parce qu’il y a des mois que je rumine tout ; et, dès que j’ai écrit, je mets les pages de côté et je ne les revois plus qu’imprimées.