Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/215

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apparemment le siècle n’est pas si stérile en vertus qu’on n’y puisse de loin en loin rencontrer de bons exemples. De la Madeleine à la Bastille et de la gare de l’Est à Montrouge, on peut encore trouver d’honnêtes gens qui se tiennent pour heureux d’une modeste aisance, des pères de famille qui épargnent, des femmes fidèles à leur mari et des mères qui raccommodent le linge de leurs enfants. Ne dites pas que ces gens-là n’ont pas d’histoire ! Ils en ont une, la plus intéressante et la plus vraie de toutes, l’histoire des jours mauvais, si longue dans toute vie humaine, traversés et subis en commun ; l’histoire des jours heureux et des sourires de la fortune qui sont venus récompenser le labeur et l’effort ; et — si vous avez du talent — l’histoire de ces sentiments complexes et subtils dont le lien délicat a noué, de jour en jour plus fortement, deux ou plusieurs existences ensemble, chacun sacrifiant aux autres quelque chose de sa personne, chacun dissimulant aux autres quelque chose de ses douleurs, tous mettant en commun leurs joies et tous pouvant compter sur tous.

Par malheur, ce sont des réflexions que M. Zola ne voudra jamais faire. Il a son esthétique et il a son système. Dans un de ses derniers feuilletons hebdomadaires n’a-t-il pas écrit cette phrase étonnante, que je cite textuellement : « Voyez un salon, je parle du plus honnête ; si vous écriviez les