Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/111

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Confiant au succès des généreuses causes,
Et, même en vos douleurs, ferme à nier le mal.

Nulle idole d’un jour n’avait eu votre culte ;
Vous rêviez pour vos dieux un avenir vainqueur,
À la religion que vous portiez au cœur
Les hommes et les temps ne jetaient point l’insulte.

Désespérant du bien, plaignant ceux qui naîtront,
Sondant les profondeurs de la bassesse humaine,
Vous n’avez pas vécu la honte sur le front…
Vous-même, ô cœur sans fiel, auriez connu la haine !

Mais, du chaste séjour où vous êtes monté,
Vous n’apercevez plus rien de triste et d’infâme ;
L’atmosphère d’amour enveloppe votre âme,
Et vous garde à jamais votre sérénité.

Restez dans votre azur au sein des harmonies,
Assis et souriant sur des rayons vermeils ;
Plongez du cœur au fond des choses infinies,
Et mesurez l’espace où flottent les soleils.

Détournez vos regards des cités où nous sommes ;
Vos dieux en sont partis et leur culte s’y perd…
Mais vous viendrez toujours visiter le désert,
Et j’y retrouverai votre esprit, loin des hommes.
 
Car c’est là que mon cœur aime à se souvenir ;
Là j’ai versé pour vous mes plus fécondes larmes :
Ami, vous m’y rendez du courage et des armes,
Sous ces chênes sacrés qui parlent d’avenir.