Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/174

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L’orgueil, dont tu connais l’empire,
T’avait dit peut-être : À quoi sert
La fleur que pas un ne respire,
Et qui sèche au fond du désert ?

Eh bien, à l’auguste nature,
Quand elle compte son trésor,
Le bouquet de fleurs sans culture
Est plus cher que la mine d’or.

Nous sommes les beautés secrètes
Dont la terre, aux jours de bonheur,
Se pare en ses chastes retraites
Pour s’offrir aux yeux du Seigneur.

Dieu voit la pervenche sourire
À l’ombre du rocher natal,
Pareil aux yeux bleus qu’on admire
Voilés du bandeau virginal.

Dans son ravin, seule et paisible,
La fleur n’y connaît pas l’ennui ;
Car le jardinier invisible
Nous cultive au désert pour lui.

Il nous aime, il nous connaît toutes.
Or, malgré son amour jaloux,
Il cède aux humains quelques gouttes
Du baume qu’il prépare en nous.

S’il cache au désert ses corbeilles,
S’il a fait si haut son jardin,