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III

LE GLACIER.




Il est sur l’Alpe immense, il est un froid empire
Où plus rien ne végète, où la nature expire,
Et dont nulle saison de joie ou de douleur
Ne change au gré des jours l’immobile couleur.
Là nul être vivant n’a laissé de vestige,
Et le sang le plus chaud dans les veines se fige.
Lorsqu’à ces blancs sommets l’âme atteint dans son vol,
Le feu des passions meurt en touchant le sol ;
Car sur cette hauteur lumineuse et glacée
Rien ne peut habiter, si ce n’est la pensée.
Délivré de ton cœur et de tes sens épais,
Là ton esprit plus pur aura trouvé sa paix.
Va donc ! pour embrasser cette vierge sans tache,
Monte à travers la brume où sa tête se cache,
Tu verras, de là-haut, s’élargir l’horizon
Dans la sérénité de l’auguste raison,
En ton âme, ô poëte, aura su faire en elle
Le calme et la clarté de ma neige éternelle.


FRANTZ.

Ici le jour rayonne, égal, tranquille et pur,
Sur la vie et les choses,
Et je vois du même œil, du haut de mon azur,
Les cyprès et les roses.