Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/227

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BÉATRIX.

Reconnais-moi ! je donne au cœur des ailes d’or.
Nul à ces grands sommets dont tu cherches la voie
N’atteindra si mes yeux n’éclairent son essor.

J’apporte à mes élus la force dans la joie ;
Et, sous des noms divers, je viens pour eux du ciel,
Leur frayant le retour vers le Dieu qui m’envoie.

Je suis la Béatrix aux paroles de miel
Révélant les secrets du bienheureux empire ;
J’y prépare, à qui m’aime, un laurier éternel.

Beaux combats et beaux vers, c’est moi qui les inspire.

Ayant dit, à l’enfant elle adresse un regard
Qui dans le vif du cœur pénètre comme un dard,
Et, sur ce front tremblant, d’un doigt calme elle applique
La rose préparée à ce baiser mystique.

Soudain, les lits de mousse et l’églantier vermeil,
Le chêne aux feuilles d’or miroitant au soleil,
Les magiques appels des fleurs et de la brise,
Ces doux pièges des bois par qui l’âme est surprise,
Toute la terre, enfin, disparaît. Le rêveur,
Saisi par Béatrix dans ce baiser sauveur,
Plus haut que la nature, en son essor paisible,
Monte et ses yeux guéris s’ouvrent sur l’invisible.

Il voit le paradis, le bonheur des élus
Embelli, ce jour-là, par un amour de plus.