Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/23

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Ils sauront qu’orphelin des tempêtes civiles,
Qui laissèrent sans chefs nos maisons et nos villes,
À cet âge où le cœur porte en lui son danger,
Enfant sans protecteur, vous saviez protéger.
Vous avez, jeune sage amoureux de l’étude.
Du père qui manquait pris la sollicitude :
Vous avez fièrement payé de vos sueurs
Le pain de votre mère et celui de vos sœurs.
Et pendant ces longs jours, ferme en sa double tâche,
Votre âme aux doctes fleurs aspirait sans relâche ;
Et du noble savoir dont vous étiez épris,
Vous forciez vos pareils à vous céder le prix.

Toujours ainsi portant, couronne familière,
Les travaux du penseur et les soucis du père,
Vous avez, à l’abri de ces féconds rameaux,
Nourri des cœurs dans l’ombre et soulagé des maux.
Et moi, j’ai promené mon enfance éternelle !
Vos sérieux labeurs furent trop lourds pour elle ;
Le fardeau dont un fils devait vous affranchir,
Vous l’avez soutenu tout seul et sans fléchir.
C’est par vous que ma muse, à travers des années,
Put attendre, en rêvant, ses moissons ajournées,
Ô mon père ! et vous seul, dans vos mâles hivers,
M’avez fait les loisirs d’où fleurirent mes vers.

À chacun de mes fils, avec le nom qu’il porte,
Puissé-je avoir transmis votre âme douce et forte !
À vos côtés, que Dieu leur fasse, longuement,
Voir votre fils docile à votre enseignement ;
Des leçons du foyer qu’ils apprennent sans cesse
Le respect des aïeux source de la sagesse ;