Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/289

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Quel oiseau lui prêta son aile et sa chanson ?
Quelle occulte vertu, sous ses mains familières,
Fait Jaillir tous les ans le bon grain de ces pierres ?
Ses bœufs n’ont pu le suivre ; et, seul dans le granit,
Il retourne en suant son fer que Dieu bénit ;
Seul dans ces hauts sillons étayé de murailles
Il a porté la herse et le sac des semailles.
Le sol même est son œuvre. Au grain blond et vermeil
Dieu n’a rien pour sa part fourni que le soleil.
L’homme a seul amassé sur le roc qui l’appuie
Ce champ aérien repris par chaque pluie.
Toi-même, ô laboureur, toi seul as, sur tes reins,
Porté le riche humus à ces maigres terrains.
Ton blé germant là-haut, dans la roche brisée,
Y boit plus de sueurs cent fois que de rosée ;
Et, comme on bénit Dieu sous ton toit de sapin,
Nous devons te bénir quand nous mangeons ce pain.
Ah ! qu’il est plein de vie et de saveur ! Ah ! comme
Ce pain, fait tout entier de la vertu de l’homme,
Donne un plus noble sang, un plus vaillant esprit
À l’aïeul qui le sème, aux enfants qu’il nourrit !

Mais nous, ô voyageur, plus haut ! montons encore
Cet escalier des monts par où descend l’aurore :
Chacun de ses degrés offre au cœur agrandi
L’image et le conseil d’un travail plus hardi.

Arrêtons-nous, regarde ! aux flancs du précipice,
Sur ces murs veloutés qu’un fin gazon tapisse,
Le faucheur, sur l’abîme allongeant son râteau.
Ramène herbes et fleurs jusqu’au bord du plateau.