Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/60

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Les saules sur le bain étendus en berceau,
Tous les dieux de l’été, ces conseillers propices,
Des larcins de l’amour joyeux d’être complices,
Et par qui, sans combats, des voiles trop discrets
La beauté se désarme à l’abri des forêts.


ERWYNN.

Un jour, des passions brisant la coupe amère,
Las des bonheurs humains avec ennui goûtés,
Des promesses du cœur étouffant la chimère,
J’ai fui cet air épais qu’on respire aux cités.

J’ai cherché le désert, poussé vers la Nature
Par cet attrait sans nom des parfums, des couleurs,
Par ce charme qui tient, malgré toute culture,
L’homme vers le soleil tourné comme les fleurs.

J’avais des vains plaisirs pris et laissé l’amorce
Ayant usé de tout je croyais tout savoir ;
Docile au sens borné qui s’arrête à l’écorce,
Ivre de vains désirs, j’avais nié l’espoir.

Tout le néant du monde et de sa folle pompe
S’étalait dans son vide à mon œil ébloui ;
Sa sagesse qui ment et sa vertu qui trompe,
L’amour même, l’amour s’était évanoui !

Eh bien, je n’avais vu qu’un seul aspect des choses,
Avant de les sonder avec l’œil du rêveur ;
Je n’allais pas plus loin que le parfum des roses,
Je n’avais jugé rien des fruits que la saveur.