Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/83

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Sois docile au vieillard, viens, et par moi renaisse,
Renaisse dans ton cœur la divine jeunesse !


LE POÈTE.

Ton âme hospitalière, ô généreux pasteur !
De la crèche et des bois l’énergique senteur,
Le souffle de tes bœufs, la sève de tes plantes
Seraient un vain remède à mes peines brûlantes.
Mon mal est trop profond ; mais, pour le soulager,
Avec d’autres douleurs je viens le partager.
Je viens mêler mon deuil au deuil de la nature.
J’entends ici l’écho des tourments que j’endure,
La voix de l’univers n’est qu’un gémissement ;
Mes pleurs unis aux siens coulent plus doucement,
Et je sens plus de calme et plus de patience
Quand je me plonge à fond dans sa tristesse immense.


LE PÂTRE.

Je cherche autour de nous ces gémissantes voix.
Et ces mornes tableaux, et ce deuil que tu vois :
Un large rayon d’or flotte sur les fougères ;
L’alouette s’égaye en ses notes légères ;
La cloche tinte au cou de mes taureaux joyeux,
Et les prés, tout en fleurs, réjouissent mes yeux.


LE POÈTE.

La nature se plaint : sa voix, terrible ou tendre,
Parle d’une souffrance à qui sait bien l’entendre.
Tout menace ou gémit. De la source au torrent,
Le flot, qui va gronder, s’écoule en murmurant.