Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/86

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LE PÂTRE.

Ta voix me trouble, ami, ta parole est funeste.
Tu souffres, je le vois ; ta pâleur me l’atteste ;
Tu souffres, je te plains et ne te comprends pas.
Le remède à ton mal. Dieu me le cache, hélas !
Je te plains ; mais pourquoi, dans tes peines sans cause,
Ne rien voir que le mal au sein de toute chose ?
La nature, où tu viens savourer tes douleurs,
Sourit quand ton orgueil lui commande les pleurs ;
Tu l’aimes, sois joyeux ! car elle est toute en joie ;
Regarde à l’horizon ces feux qu’elle déploie.
Laisse ton cœur s’ouvrir au coucher du soleil ;
Et de ce grand spectacle emporte un bon conseil.


LE POÈTE.

La nature m’invite à sa douce tristesse :
La résignation fait toute sa sagesse ;
Obéir sans révolte à de sinistres lois,
C’est le morne conseil, ami, que j’en reçois.


LE PÂTRE.

Non, la voix du désert, qu’il pleure ou qu’il sourie,
Ne t’a pas conseillé l’inerte rêverie !
La nature m’enseigne, en ses chères leçons,
La vie et le travail égayé de chansons.


LE POÈTE.

Écoute, dans ces bois déjà pleins de ténèbres,
Du zéphyr qui s’endort les murmures funèbres !