Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/161

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IV

D’où vient cette pâleur cachant un vague effroi,
Ce regard concentré, jeune femme, et pourquoi
Saisir la rame, ainsi, d’une main convulsive,
Quand tu pars les matins, providence attentive,
Portant la guérison au proscrit ? L’on dirait
Que ton pieux devoir n’est rempli qu’à regret,
Et que l’humble cabane où la pitié t’amène
Te garde un hôte, objet de terreur ou de haine.
Et cependant, Fausta, c’est un éclair joyeux
Qui colore ta joue et fait briller tes yeux,
Dès qu’au loin la maison du pêcheur, sous les branches,
Montre son toit de chaume et ses murailles blanches.

Et Marco, quand tu viens, ne te semble-t-il pas
Contre un péril tout proche invoquer le trépas ?
Il boit, comme un poison qu’on redoute et qu’on aime,
Les sucs réparateurs préparés par toi-même ;
Il tremble à ton aspect, à ton nom il pâlit ;
Pourtant, si tu parais au chevet de son lit,
Parlant, à ton insu, de ta voix la plus douce,
Ce fier désir de mort en son esprit s’émousse.

Bientôt sur le rivage, aidé par le pêcheur,
Il put venir des flots respirer la fraîcheur,
Et voir à l’horizon ; où la vague étincelle,
Poindre en un sillon d’or la rapide nacell