Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/166

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is,
Seule a droit d’approcher de tes austères nuits,
De vivre aux yeux de tous, avec toi, sous la tente,
De briller à ton flanc comme une arme éclatante :
C’est la haine, ô Marco, la dernière vertu
Qu’il faille au moins sauver chez ce peuple abattu ;
La haine qu’on délaisse en ce temps misérable,
La haine, de l’amour compagne inséparable,
La haine qu’à ses fils, de son sein chaste et fier,
Doit verser l’Italie en aiguisant le fer !
J’accepte dans ton cœur ma place à côté d’elle ;
Que notre double voix à ton œuvre t’appelle.
Pars ! Mais cette blessure, hélas ! qui saigne encor ;
L’aigle voudrait en vain reprendre son essor.
Eh bien, pour quelques jours qu’il ferme encor les ailes ;
Qu’il dorme sous l’abri de ces rameaux fidèles.
Reste au bord de ce lac qui doit garder toujours
Le reflet triste et pur de nos saintes amours.
Tu me verras encor ; je veux encor répandre
Dans ton sein douloureux mon souci le plus tendre,
Et goûter à tes pieds, ô mon noble vaincu,
Ces courts instants, les seuls où mon âme ait vécu.
Je suis sûre de nous ; j’aime, et je me confie
Aux forces de l’amour, ce feu qui purifie ;
Non, tu ne voudras pas me ravir la splendeur
Que l’image adorée emprunte à la pudeur.
Tu ne veux pas me rendre à moi-même avilie ;
Moi qui suis pour ton cœur comme une autre Italie ! »