Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/168

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Et, s’avouant vaincus dès le premier effort,
Maudissent le devoir plus cruel que la mort
C’est vous, qui du martyre aviez rêvé naguère,
Et vous iriez tomber d’une chute vulgaire ;
C’est vous, nobles enfants ! mais sur cet abandon,
Votre âge et le soleil jetteraient le pardon,

Ah l si la passion, toujours froide et sensée,
N’exaltait pas chez vous le sang et la pensée,
Quel autre enthousiasme, en des cœurs de vingt ans,
Feraient ce que n’ont pu l’amour et le printemps ?
Et quel autre soleil, ouvrant des âmes closes,
Eût fait germer en vous l’ardeur des grandes choses ?
Mais puisqu’un noble essor vous fit apercevoir
Les hautes régions où plane le devoir,
Votre amour y montant par un élan suprême,
Trouvera la vertu de se dompter lui-même.

Ombres des vieux héros qu’ils admiraient tous deux,
Descendez, ô martyrs, et veillez autour d’eux ;
À leur lèvre égarée arrachez ce calice ;
Faites parler bien haut la voix du sacrifice ;
Dans cette heure d’oubli, venez leur rappeler
Vos exemples fameux qu’ils devaient égaler.
Et toi, qu’ils adoraient dans la blancheur des cimes
Tu sais ce qu’ils ont dit à tes Alpes sublimes,
Et s’ils ont aspiré, libres du poids des sens,
Vers ce monde d’en haut, Esprit d’où tu descends !
Des lâches voluptés écarte d’eux les pièges,
Et sur leurs fronts brûlants verse tes chastes neiges.
Soyez bénis ! Fausta, dans un effort vainqueur,
A repris tout l’empire exercé sur son cœur,