Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/170

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venu.
Et l’attente, plus longue au milieu des ténèbres,
Mêle aux cuisants désirs des images funèbres.
Pour la première fois, tout un jour sans la voir !
D’un retour, d’un pardon faut-il perdre l’espoir ?
Mais peut-être un danger la retient ! il s'élance,
Le bateau du pêcheur le conduit en silence ;
Et, pour montrer la route allumant ses fanaux,
Au loin le clair de lune a blanchi les créneaux.
Aux vitres du donjon des feux luisent dans l’ombre.
Marco s’approche, observe, arrêté sur l’eau sombre ;
Pour mieux se dérober au soldat attentif,
Immobile il se couche en son étroit esquif.
Les fenêtres, bientôt, perdant leurs vives teintes,
Attestent le sommeil et les lampes éteintes ;
Mais, veillant seule aux flancs du manoir endormi,
Une chambre s’éclaire et l’amant a frémi...
C’est elle ! pour la joindre et lui parler encore,
Pour cet adieu plus doux que ton exil implore,
Quels rêves, quels projets hélas sans horizon,
N’as-tu pas fait, Marco, sous sa morne prison !

Le jour seul, éteignant cette lampe qui veille,
Effaça l’ombre errante à la vitre vermeille ;
Et le flot, jusqu’à l’aube, avec un long soupir,
Berça ton désespoir et ne put l’assoupir ?
Tes fureurs, ô Marco, sous ces murs enchaînées,
Usèrent, cette nuit, le sang de dix années,
Mais le soleil levé rend le péril certain
Pour l’amant, le proscrit, ennemis du matin.
Marco fuit en longeant les sinueuses côtes ;
Un cap offrait l’abri de ses roches plus hautes ;