Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/198

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se, au coup de ses nageoires,
Une tempête sur les eaux.

Quand l’hydre aux mille anneaux dans les plaines rampante
Roule d’énormes chars un convoi qui serpente,
Lorsqu’au loin dans le ciel sa crête rouge a lui,
A sa masse, à son bruit de lave souterraine,
On dirait un volcan qui traîne
La chaîne des monts après lui.

Et le monstre, docile aux caprices de l’homme,
Se plie aux vils travaux de la bête de somme ;
Naguère il poursuivait le mobile horizon,
Il va bientôt, aveugle et le mors dans la gueule,
Tourner une incessante meule
Dans l’atelier, morne prison.

Ou bien, près du cratère où la fonte s’allume,
De son bras de cyclope il fait sur une enclume
Bondir, à temps égal, les noirs et lourds marteaux,
Ou, puisant au milieu de la lave qui coule,
Il sait dans les contours du moule
Pétrir du doigt tes durs métaux.

Il a tourné la roue et mû l’agile rame ;
Sur le métier soyeux où l’écharpe se trame
Il conduit la navette, et des fibres du lin,
La vierge aux doigts légers, qu’à sa lèvre elle mouille,
Sur le fuseau de sa quenouille
Forme un fil moins souple et moins fin.

Avec Dieu même ainsi l’art humain rivalise ;