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PERNETTE.


Sur les chaumes, encor, depuis le bord des vignes,
Femmes, enfants, montaient en sinueuses lignes.
Entre les derniers ceps, protégés de buissons,
Marchaient nos jeunes gens armés de cent façons ;
Les longs fusils brillaient sur l’églantier des haies,
Et les vaillants propos croisaient les chansons gaies.

Ils vont, ils ont bientôt laissé loin derrière eux
Les vignobles penchants bordés de chemins creux.

Sur ces verts parapets, une halte ordonnée
Retint quelques instants la troupe bien menée,
Durant que les troupeaux, les rustiques convois
Achevaient de gagner l’asile sûr des bois.
Seules restaient, portant l’aiguillon dans les âmes,
Près des hommes armés quelques vaillantes femmes ;
Comme, à tous nos combats mêlant tous nos amours,
Dès le temps des aïeux nous en vîmes toujours.

On se mêle, on s’assied ; on tire des corbeilles
Les miches de pain blanc, quelques vieilles bouteilles ;
On se refait le corps ; et la rouge liqueur
Et les mâles baisers refont aussi le cœur :
Et, là-bas, dans la plaine où leur blancheur rayonne,
On revoit sans pleurer les murs qu’on abandonne.
 
Pauvres murs, greniers pleins, manoirs, riches celliers,
Toit rouge où s’ébattaient les pigeons familiers,
Êtes-vous condamnés à la flamme, au pillage ?

Voilà que l’ennemi rentre dans le village !
Le vent vers la montagne apporte des bruits sourds,