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PERNETTE.

 
La prière s’épanche à flots silencieux ;
Le pain fait chair descend sur les lèvres de l’homme,
Et de l’âme à son Dieu l’union se consomme.

Les rustiques soldats, dans leur double ferveur
De regrets pour l’ami, de foi pour le Sauveur,
Immobiles, courbés, le front contre leurs armes,
Serraient les noirs fusils mouillés de grosses larmes.
Les femmes pour prier fortement, les yeux clos,
La tête dans leurs mains étouffaient leurs sanglots.

Longuement, s’éleva vers le Dieu qui s’immole
Cette intense oraison, sans regards, sans parole ;
Et quand les yeux rouverts allèrent en pleurant
Chercher encor les traits du bien aimé mourant,
Sous ses longs cheveux blonds sa face humble et penchée
Dans son extase encor restait demi-cachée ;
Tant d’une forte étreinte, au seuil de ce bas lieu,
Son esprit s’enlaçait à l’esprit de son Dieu !

Vers ses amis enfin son beau front se relève.
Ce fut, à le revoir, comme au sortir d’un rêve :
De vivantes couleurs il s’était éclairé ;
La vigueur de sa foi l’avait transfiguré.
Le céleste aliment, fait pour son âme pure,
Semblait nourrir son corps et guérir sa blessure ;
L’accent de ses yeux clairs et de sa franche voix
Eclatait aussi ferme, aussi frais qu’autrefois ;
Autour de lui l’espoir rentrait au fond des âmes,
Et souriait déjà sous les pleurs des deux femmes.

Seul, le sage docteur ne se déridait pas ;