Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
LE LIVRE D’UN PÈRE.


Et je sais que mon ironie
Les irrite encore à Berlin.

Je sais qu’excitant l’espérance,
Lus dans nos plus humbles cantons,
Mes vers ont, au nom de la France,
Fait pleurer les soldats bretons ;

Que, dans nos revers pleins de gloire,
Pour entretenir sa vigueur,
Maint fils du Rhône ou de la Loire
Se les est récités par cœur.

D’autres sont orateurs sublimes ;
J’ai rêvé de moindres emplois.
Pourquoi donc m’ôter à mes rimes ?
Assez de gens feront les lois !

Et cependant, puisqu’on m’invite
À des maux qu’il faut partager,
Oublions tout et partons vite ;
Restons autant que le danger.

C’est pourquoi de ces deux années
Vous eûtes de si faibles parts ;
Pourquoi dans ces tristes journées,
À peine arrivé, je repars.

C’est ainsi que je vous délaisse,
Mes chers petits, mes seuls amours,
Que je passe au loin ma vieillesse,
Sans vous embrasser tous les jours.