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LES VACHES.

Qu’en voilà, tout à coup, de gentianes bleues !
Cueillons vite et marchons, mes amis, s’il vous plait,
Dans sa douce chaleur savourer ce bon lait.

Voici, voici le parc ! Cent belles vaches brunes
Éparses au soleil sur le pré vert : les unes
S’étendent pour dormir ; d’autres, le nez au vent,
Debout, l’œil grand ouvert, ruminent en rêvant.
Du côté du soleil un mur de hautes claies
Abrite sous l’osier le pâtre aux larges braies ;
Assis sur l’escabeau qui pendait à ses flancs,
Il presse entre ses doigts les pis fauves ou blancs.
Les veaux, la tête basse et clos à part des mères,
Attendent. Le vacher entr’ouvre les barrières,
Chacun, libre à son tour, saisit avidement
L’ample sein qui pour lui se gonfle en un moment.
À peine il a goûté la mamelle remplie,
Qu’aux cuisses de la vache un nœud adroit le lie.
Le maître est là, tout prêt ; usant d’un droit cruel,
Il détourne la mère avec un peu de sel.
Bientôt le vase est plein et l’écume déborde.
Le veau reprend sa place, affranchi de sa corde,
Et dans la tonne immense on court vider le seau ;
Et — trois ainsi faisant — le lait coule en ruisseau.
Tout à l’heure il faudra deux de ces fils des Gaules,
Une barre de frêne et leurs fortes épaules,
Pour porter au buron, où l’attend le pressoir,
Cette cuve de lait qui se comble en un soir.

Mais voici les enfants ! et la bande altérée
Vole avec de grands cris à la douce curée.
Dans le groupe joyeux le pâtre est prisonnier.