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PERNETTE.

Si même, à quelque gars qui peut être un malade,
Il tâte le poignet et donne l’accolade
Et devise avec lui jusqu’au prochain sentier,
Où donc serait le mal ? il a fait son métier !
Nuit et jour un docteur, muni de son remède,
Ne doit-il pas à tous ses conseils et son aide ?
C’est ainsi que je traite et guéris à la fois
Mes clients des châteaux et mes clients des bois ;
Et de ceux qui pour garde ont pris dame Nature
La santé me fera quelque honneur, je vous jure. »

Mais, dans les yeux distraits et fixés vaguement,
Le vrai souci des cœurs éclatait par moment.
Pernette, sans rougir, le trahit la première,
A voix haute et disant ces simples mots : « Et Pierre ? »

« Enfin ! ce pauvre Pierre, on pense à lui ! D’honneur,
J’ai cru qu’on l’oubliait ! — dit le malin docteur.
Eh bien ! comme partout, Pierre est roi de la fête ;
Et notre cher curé fut vraiment un prophète,
Quand il nous exhortait et d’un œil paternel
Voyait Pierre officier, peut-être colonel.
Il est mieux que cela ! chef élu d’une armée ;
Il est prince, il est roi, là-haut sous la ramée,
Par de gais lieutenants obéi sans terreur,
Moins flatté, moins volé que n’est un empereur.
Dans la libre forêt il arrivait à peine,
Que par droit de nature il était capitaine.
Un plus brave, un plus beau, dans tout notre canton,
— Demandez à Pernette — où le trouverait-on ?
Son ferme esprit s’impose aux têtes les plus chaudes ;
Dès lors tout est correct là-haut, plus de maraudes,